CHAPITRE XXIII
Anakin s’inquiétait ; l’état de Mara s’aggravait. Courageuse et forte, elle se fatiguait néanmoins pour un rien désormais et se renfermait sur elle-même. Il sentait qu’elle se servait de plus en plus de la Force pour tenir le coup. Mais cela lui demandait tant de concentration que, le jeune homme en était persuadé, elle ne savait plus où elle était ni qui il était.
Faisant de son mieux pour qu’elle ne manque de rien, il s’occupa de l’entretien du camp et prépara tous les repas. Observant les Dantaris, il trouva des plantes et des épices comestibles, qu’il utilisa pour améliorer leur ordinaire, échouant parfois à rendre la nourriture plus appétissante. Mara semblait accepter de bon cœur ses échecs, s’animant même un peu au moment des repas.
Tubercule, comme Anakin avait surnommé le Dantari aux racines, s’inquiétait visiblement pour Mara. Il apportait toujours du bois mort, mais refusa de prendre les deux dernières racines en paiement. Ils échangèrent d’autres choses, surtout des babioles, que Tubercule tressait dans ses cheveux autour du bouton de Mara.
Anakin quitta le campement après un repas que sa tante Mara avait pris sans grand appétit. Elle retourna sur sa couchette et se rendormit aussitôt.
La vaisselle faite, Anakin s’aperçut que leur provision de bois de chauffe ne ferait pas la nuit. Trouvant bizarre que Tubercule ne soit pas encore venu, il se dirigea vers le camp des Dantaris.
Il était à cinq cents mètres quand une vague de douleur déferla sur lui à travers la Force. Il pensa aussitôt à Mara, mais l’onde ne résonnait pas comme si elle venait d’elle. Il songea ensuite à Tubercule, puis capta les effluves de peur montant du campement dantari.
Anakin se dissimula dans l’herbe et avança prudemment. Il sourit à l’idée qu’il mettait en pratique tout ce que Mara lui avait appris sur la façon de se déplacer silencieusement. Il aurait pu se servir de la Force pour écarter les branches ou empêcher les herbes de bruire…
Mais je n’en ai pas besoin. Je garde la Force pour plus tard.
Arrivé à moins de vingt mètres du camp, il s’arrêta à l’ombre d’un rocher. Tubercule, tombé à genoux, avait le visage et la poitrine en sang. Le blason impérial avait été réduit en lambeaux. A coups de fouet, semblait-il.
Le Dantari avait les mains attachées dans le dos. Tous les membres de son clan étaient à genoux, l’air terrifié.
Ils avaient de bonnes raisons : deux guerriers yuuzhan vong, grands et minces, portant chacun une armure chitineuse. L’un brandissait un bâton à l’extrémité aplatie le faisant ressembler à une épée. L’autre avait une arme semblable, mais souple comme un fouet.
Celui qui tenait le fouet mit le bouton de Mara sous le nez du Dantari et grogna une question.
Tubercule grommela une réponse.
De toute évidence, le Yuuzhan Vong avait demandé à Tubercule d’où il tenait le bouton.
Il est en danger parce que nous sommes venus et que nous nous sommes rapprochés de lui.
Anakin devait tenter de sauver son ami.
Mais il n’était qu’un apprenti Jedi de quinze ans ! Mara avait eu du mal à tuer un Yuuzhan Vong sur Belkadan. Sauver le Dantari était une tâche qui le dépassait.
La taille n’a pas d’importance.
Même si Mara lui avait reproché de jouer avec le sens de l’aphorisme de Yoda, il s’appliquerait cette fois. Son rôle était de protéger ceux qui ne pouvaient pas se défendre.
Il s’ouvrit à la Force et la sentit couler en lui comme jamais…
Anakin toucha le rocher derrière lequel il était caché et le poussa avec la Force. Le bloc de pierre d’au moins cinq cents kilos s’arracha du sol et vola vers le Yuuzhan Vong.
Il y eut un bruit écœurant. Les bras et les jambes du Yuuzhan Vong s’agitèrent puis se raidirent.
Anakin sortit son sabre laser et bondit sur l’autre guerrier. Il activa sa lame violette et l’enfonça sous l’aisselle gauche du Yuuzhan Vong.
Le guerrier pivota, arrachant presque l’arme de la main d’Anakin. Le fouet s’abattit sur son épaule gauche, déchirant sa tunique et sa chair. Le coup était destiné à sa tête, mais l’armure du guerrier se contracta soudain l’empêchant de bouger. Quand elle se détendit, le Vong s’écroula.
Son bâton siffla et s’éloigna en rampant.
Anakin regarda les deux Yuuzhan Vong en tremblant. Il tomba à genoux et désactiva son sabre laser. Il avait réussi à tuer deux guerriers entraînés. Même Mara avait eu du mal à en éliminer un.
D’accord, j’en ai eu un par la ruse, mais l’autre…
Sa victoire aurait dû être impossible. Mais avec la Force de son côté, il avait réussi !
Anakin sentit des mains se poser sur lui. Il leva la tête et vit Tubercule, libéré par ses compagnons. Le Dantari lui tendit une racine de vincha, puis en fourra une dans sa bouche et la mâcha. Puis il cracha dans sa main une pâte composée de vincha et de salive et la passa sur ses blessures.
Anakin fit signe qu’il avait compris et mâcha sa racine. Elle avait un goût si amer qu’il faillit vomir. Mais la douleur commença à s’estomper. Quand il appliqua la pâte sur son épaule, elle cessa complètement.
Pas étonnant qu’ils accordent tant de valeur à ces racines ! Il n’a pas voulu prendre les deux dernières parce qu’il s’attendait à ce que je les utilise pour Mara ! Notre venue sur Dantooine n’était pas une coïncidence. Ce produit ne la guérira peut-être pas, mais il peut l’aider à lutter contre la maladie.
Tubercule beugla des ordres aux membres de son clan. Ils rassemblèrent leurs affaires et s’engagèrent sur la piste menant au camp d’Anakin et de Mara.
Tubercule souriait de toutes ses dents.
Anakin comprit : les Dantaris avaient décidé que Mara et lui étaient des êtres divins qui les protégeraient. Il aurait aimé le croire… mais cela ne marcherait pas.
– Ce serait comme vous laisser construire vos maisons dans une plaine inondable. Vous seriez tout le temps en danger.
Tubercule le regarda, étonné.
Anakin se concentra, puis projeta dans l’esprit de Tubercule l’image d’une vallée où l’herbe poussait en abondance et où il suffisait de se baisser pour ramasser une plante vincha. Un paradis pour les Dantaris ! Alors qu’il avait d’abord cru générer une illusion pour tromper Tubercule, il s’avisa que l’endroit existait vraiment, et qu’il le voyait tel qu’il était.
Dans l’image mentale, Anakin examina la position du soleil et la longueur des ombres.
Puis il désigna le nord-ouest.
– Partez par là. Vous y trouverez votre nouvelle demeure. Suivez la côte, et vous y arriverez.
Tubercule tendit la main, comme pour toucher la vision.
– Allez-y !
Anakin poussa doucement le Dantari. Luttant pour rester debout, il regarda la petite colonne disparaître.
Alors, il mit un genou en terre près du Yuuzhan Vong qu’il avait tué avec le sabre laser. Sous l’aisselle droite de l’armure, il remarqua des filaments membraneux. Des sortes de branchies ! Le sabre laser avait percé le seul point vulnérable de l’armure et tué sur le coup le Yuuzhan Vong. Les convulsions d’agonie de l’armure avaient sauvé la vie d’Anakin, empêchant le guerrier de réagir à son attaque.
C’était un coup de chance. Mais le jeune homme savait que Luke n’accepterait pas cette explication.
La chance n’existe pas. Il y a seulement la Force.
Plus épuisé qu’il aurait dû l’être, Anakin retourna au camp en titubant. Si Mara ne l’avait pas poussé à travailler sans se servir de la Force, il n’aurait probablement plus eu l’énergie de remonter la colline.
L’obscurité était totale quand il arriva. Son feu n’était plus qu’un tas de charbons rougeoyant. Il prit les racines de vincha qui lui restaient et entra sous la tente de Mara.
– Que se passe-t-il ?
– Les Yuuzhan Vong sont là ! (Il lui tendit une racine.) Mâche et avale le jus. C’est un remède du cru, sacrement efficace !
– Tu es blessé ?
– Ce n’est rien. Mais il faut que nous quittions les lieux. Je crois que les Yuuzhan Vong sont là depuis notre arrivée. Peut-être sont-ils à l’origine de ton épuisement. Leur présence rend plus actifs les éléments qu’ils contrôlent, et ta maladie pourrait en faire partie. Tu as perçu un lien sur Belkadan. Ici, il est plus subtil, parce que tu n’es pas en contact direct avec les Yuuzhan Vong.
– Et je préférerais que cela continue comme ça.
– Moi aussi. J’en ai tué deux, mais par surprise. C’était presque trop facile, et ça m’inquiète.
– Il y a de quoi ! J’ai le sentiment que les choses ne se passeront plus aussi facilement lors de notre prochaine rencontre avec les Yuuzhan Vong.